Le mercato
estival a lieu cette année du 11 Juin au 2 Septembre inclus. C’est lors de
cette période qu’une grande partie de la saison se joue déjà. En effet, on dit
qu’un bon recrutement annonce toujours une bonne saison. Décryptage d'une
stratégie type d'un club de Ligue 1, en perpétuelle reconstruction, pour
définir les « short lists » de joueurs ciblés.
Avant tout,
il faut comprendre comment sont organisés, en interne, la majorité des clubs
français. Le directeur sportif, en corrélation avec l’entraineur, coordonne la
cellule de recrutement. Certaines exceptions existent tout de même au PSG, où
Leonardo effectue seul le choix des joueurs, mais aussi à Lyon où Florian
Maurice ne dispose pas de « pôle recrutement ». Pour le reste de
l’élite, le modèle reste quasi identique.
Commençons
par la partie hexagonale du recrutement. Lors des six premiers mois de la
saison, les « scouts » sont envoyés aux quatre coins du territoire
pour, à la fois, suivre les joueurs intéressants de la saison précédente mais
aussi détecter les nouveaux joueurs émergeants. C'est la partie
« observation ». Les clubs de Ligue 1 suivent particulièrement les
matchs de Ligue 2 et du championnat National. Autre moyen de suivre les
performances des joueurs de Ligue 1, les rapports de match. Afin de préparer
chaque match, le staff technique étudie les prochains adversaires, leur
approche tactique, leur impact physique ou bien encore leurs spécificités. Ce
travail est, généralement, délégué à un recruteur par semaine (ou à un
entraineur adjoint). Classés par poste, de nombreux joueurs sont suivis et
jugés intéressants. Cette première ébauche permet, à la mi saison, de faire le
bilan des joueurs observés.
C’est alors
que commence la seconde partie du travail de recrutement. En effet, début
Février, chaque club anticipe les besoins sportifs en vue du mercato estival.
Que ce soit pour renforcer l’équipe première, pour équilibrer numériquement le
groupe professionnel ou bien encore palier plusieurs départs, en fonction de
ses besoins, le staff met en place le programme
de « supervision ». Démarre alors un tri parmi les listes de
joueurs. Les joueurs sont supervisés chaque semaine et les listes se réduisent
à trois ou quatre joueurs par poste. Sur des critères techniques, physiques,
mentaux mais aussi financiers, une liste définitive est établie avant la fin de
la saison.
A cette
liste viennent se greffer les joueurs évoluant à l’étranger. Ce travail
spécifique est le fruit d’une façon totalement différente de travailler. Le
premier facteur de sélection est bien évidemment le réseau. Chaque directeur
sportif ou « head scout » utilise son réseau personnel d’agents, de
personnes de confiance, pour connaître des joueurs potentiellement
intéressants. Par ailleurs, il faut savoir qu’en période calme, une vingtaine
de CV ou de DVD d’agents arrivent au pôle recrutement. Cela se développe de
façon exponentielle entre Mai et Juillet.
Dans les deux
cas, le travail de filtrage est important mais la méthode est très souvent la
même. Les recruteurs regardent ses statistiques personnelles du joueur en club
grâce à des bases de données privées (Scout7, Wyscout) ou publiques
(Transfermarkt, SoccerAssociation). S’il passe ce premier palier, deux ou trois
matchs sont regardés en DVD ou sur des logiciels online. Ensuite, si le joueur
est toujours suivi, en plus de regarder une vingtaine de matchs, des
déplacements de supervision sont organisés pour voir le joueur « en
vrai ». Le joueur est alors décortiqué sous tous les angles en prenant
compte du niveau environnant. Si le joueur passe tous ces filtres de sélection,
il est alors ajouté à la liste définitive.
Tout au long
de l’année, les recruteurs sont envoyés à l’étranger. C’est le cas
régulièrement dans les pays limitrophes (Belgique, Suisse), trois à quatre fois
par an à moyenne distance (Suède, Norvège, Danemark, Serbie, Afrique du Nord)
et une à deux fois par an en Amérique du Sud (Argentine, Brésil). Ils repèrent
ainsi des joueurs à suivre pour les mois à venir. S’ajoutent à cela les
compétions internationales de jeunes (U21, U19 , U19 et le Tournoi de Toulon).
Une fois les
« short listes » établies, au terme des discussions entre
l’entraineur, le directeur sportif et le président, les hiérarchies de
priorités sont fixés et les négociations peuvent commencer. Des négociations
qui désarticulent le travail effectué pendant un an, l'arrivée de nouveaux
protagonistes, les agents, qui jouent leur rôle à part entière pour défendre
les biens de joueurs mais aussi leur gagne pain. La frontière entre les deux
mondes est souvent beaucoup plus grande qu'on le pense. Les bras de fer
s'intensifient entre tous les acteurs et la tension monte au cours du mercato.
Tant que le joueur n'a pas signé, le stress est toujours palpable et le travail
est sans cesse remis en question malgré la méticulosité du processus. Au sein
d'un même club, le principe d'ordre interne laisse peu d'informations à ceux
sur lesquels l'avenir sportif et financier dépend. C'est ce qui en fait son
paradoxe. Le recruteur est souvent le dernier à qui il faut demander qui est
sur le point de signer.
Pendant
presque trois mois, les journalistes spéculent, les supporters débattent entre
eux et tout le monde du football s’active. C’est finalement la meilleure façon
de patienter entre deux saisons. Le lien parfait entre deux histoires et, en
même temps, un éternel recommencement...
Jonathan
Beilin